Eden •• Jardin Interdit

L'ordre, c'est la perfection. Toute logique, tout codage, tout langage et programmation ne pardonne aucune faute. Tout doit être parfait. Tout doit être parfait dans ce monde, dans mon monde. Je suis parfait, et je suis consciencieux, rigoureux, et méthodique. Maniaque, peut-être sur les bords. Je suis perfectionniste, et je ne supporte pas que l'on vienne me contredire.
Je suis à ce monde un élément indispensable, et c'est pourquoi j'ai très vite appris à garder la face. Je suis ingénieux, et je suis diablement manipulateur. Je manie les mots avec aise, et je les fait glisser contre ma langue sans gêne. Oui, sans gêne, puisque je me permets tout, absolument tout ce que je désire. Et j'ai toujours ce que je désire, c'est un mot d'ordre, chez moi. Quoique l'on fasse pour m'empêcher d'atteindre mon but final, je parviens toujours à mes fins. Je suis tenace, et ambitieux. J'ai travaillé pour avoir ce que j'ai aujourd'hui.
Et ce qui m'appartient est à moi, et à moi seul. Ceci, et cela, un amant aussi, pourquoi pas. A moi seul, et à personne d'autre. Beaucoup vous dirons que je ne vis pas cette vie que l'on nous offre, que je suis stoïque et frigide, pourtant... Ils ne me connaissent pas. Je vie ma vie avec passion, et cette vie me dévorera, à moins que cela ne soit moi qui détruise ce qui m'appartient, à moins qu'il ne se fonde en moi.
Je suis un combattant hors pair, je suis endurant, et tenace, comme je l'ai déjà dis. Je ne lâche jamais prise, sauf si cela est dans mon intérêt, dans mon plan.

Bref. Ici, je suis la Justice, mais on m’appelle Eden.
Je suis le Jardin Interdit, et inaccessible.

J'aurais beau charmer de mes rares sourires séducteurs, j'aurais beau poser mes yeux sombres et ténébreux sur vous, j'aurais beau avoir l'air froid et insensible, je serais toujours ce que je suis. Un être virtuel, des fragments d'humanités enfermé dans un objet électronique. Ca, c'est la création des sentiments... J'ai aimé passionnément, j'ai pleuré de rage, et hurler de haine, mais je reste aussi las et mélancolique face à cette fatalité.

Je ne suis pas un Homme. Je suis bien mieux que cela... Je suis l'un de cette nouvelle race insaisissable qu'ils ont engendré.

Subir un test. On ne le vivait pas, on le subissait. Ce qui m'avait le plus choqué, une nouvelle fois de plus c'était cette apparence étrange et in-électronique que j'avais pris... Juste le temps de ressentir ce test, juste pour pouvoir leur prouver que oui, j'étais capable d'émotion, que je n'étais pas un vulgaire MP3 de marque bâtarde abandonné dans un carton. Non... Après tout j'étais un MacBook Pro. Un produit de luxe, un produit très performant et à la pointe de la technologie à l'heure dont on parle. Pourtant, c'était autre chose que j'allais devenir.... Un homme. Pour avoir si souvent observer des films, pour avoir étudier l'homme et ses mystères les plus étranges, je savais exactement à quoi je voulais ressembler. Qui je voulais être...

Ce fut donc une pointe au coeur, avec une sensation étrangement étouffante qui me prenait. Ce ne fut que plus tard que j'appris que cela se nommait du stress. C'était si intense ! J'écarquillais les yeux - ce qui était exquisément surprenant d'ailleurs, comme si j'avais pu faire une chose pareille lorsque mon propriétaire tapotait un peu trop vivement ses doigts contre mes touches, ahaha.
Et puis j'ouvrais les yeux. Non pas que j'avançais les yeux fermés, dans un obscurantisme le plus total... Oh non. Je veux dire qu'à présent, je vivais réellement, je voyais de mes yeux, et je ressentais. Un homme, fin et élégant, qui serrait avec amour et une envie certaine de protéger son enfant... L'amour... Et puis cette peur, cette tristesse... Cela me prenait tellement vivement.

Vous savez ce que j'ai ressentis en cet instant ?
De la colère. De la frustration. Un pincement au coeur. J'étais agacé, je ne comprenais pas. En ce monde où tout est enfin possible, comment diable pouvait-on créer la tristesse ? Délibérément parfois même ! Nous allions délaisser notre processeur et nos cartes-mères pour des coeurs réels. Nous allons la connaître nous aussi, sûrement, et j’avais peur de l'impact que cela pourrait avoir... Mais pour l'heure, j'avais envie de réconforter ces deux personnes. De les protéger. De leur promettre que j'allais tout arranger. C'était inadmissible... Tellement... Horrible ! Comment pouvait-on faire cela ! A des personnes que l'on aime ! A un enfant !

Je me promettais alors, que j'allais faire régner le bonheur.
Et la Justice.