Praying Mantis [PV Eden]

Par amour, on laisse la personne filer, parce que l'on veut son bonheur. Parce qu'on ne veut pas l'enchaîner à nous contre son gré et faire son malheur. On ne veut pas avoir l'égocentrisme d'avoir été le chef d'orchestre de ce tourbillon de tourment et de malheur aussi éclatant que pouvait l'être le soleil, en cet être si bien aimé. Par amour, on préfère se sacrifier, lui donner ce qu'elle désire, la laisser filer entre nos doigts, la voir s'éloigner et disparaître petit à petit, au loin. Vivre une autre vie, autre parce que vous ne serez plus inclus dans celle-ci. Une autre vie, avec quelqu'un d'autre.
Foutaise. C'était du masochiste pur et dur. L'amour à deux, c'est désirer l'autre. C'est le désirer à un point où on veut que l'on se ressemble, que l'on partage tant et tellement de chose, que l'on fini par véritablement se ressembler. L'amour à deux, c'est détruire l'autre à un feu doux, c'est espérer ses attentions, et de plus en plus, et souffrir continuellement car on ne parvient pas à le faire devenir comme nous, à le modeler comme on le souhaite, à ce qu'il devienne une part réelle de nous. L'amour n'est que masochisme et douleur. L'amour rime avec insatisfaction. L'amour est synonyme de colère frustrée.

J'étais en colère.
J'étais frustré.
Je souffrais de ce manque.
Et je crois que j'étais triste.

Si déjà avant, je restais si tard à l'intérieur des trois murs de mon bureau et cette grande baie vitrée, cela ne s'était pas arrangé depuis que je savais que Diamond ne serait pas là, à m'attendre quelque part, à me surprendre encore. Mon travail était ma vie. Ma vie était mon travail. J'avais abandonné à lui quelques uns de mes traits de caractère pour devenir cet élément indispensable. Aujourd'hui et plus que jamais, je cherchais à m'y noyer.
Je ne voulais pas rentrer. Je ne voulais pas affronter cet appartement silencieux, ni même cette chambre froide et si vide. Ce lit froid et éternellement vide. Je n'avais pas envie de rêver de lui une fois de plus, de laisser mon être entier se rappeler de lui, de quoi que ce soit. Tout se ramenait à lui, désespérément. Et lorsque je m'endormais afin, tournant le dos à cet oreiller qui avait tant supporter les mèches blondes de l'administrateur, lorsque je tournais le dos à mes souvenirs intacts qui me laissait l'impression, ou la bêtise d'imaginer sa présence, de ressentir sa chaleur derrière moi ; je ne voulais pas me réveiller. Je voulais rester enfermer dans ces songes, dans ces souvenirs énervant. Mais tellement apaisant lorsque je les vivais dans ce monde d'illusion, en étant persuadé que tout était vrai.
Foutaise. Lorsque je m'éveillais, jour après jour, il n'y avait personne, juste moi, moi et ces draps défaits, moi et ce vide continuel, moi et cette colère qui grondait, moi et cette tristesse écœurante qui m'énervait davantage.

J'obtenais toujours ce que je désirais. Mais aujourd'hui, cette loi de physique se faisait fugace et malicieuse : je voulais Diamond, et je ne l'avais pas. Ou du moins, je ne l'avais plus.

Je le voyais parfois à poser ses jolis yeux sur ce chien, cette chienne brune qui se donnait de grands airs, et happait le monde comme il le souhaitait. Cet autre administrateur, cette ancienne technologie PC. Il le voulait, je le savais. Je le connaissais assez bien pour comprendre ces choses là... Et je ne savais pas réellement si j'avais envie de le récupérer, et le laisser souffrir pour le punir... L'aider à s'unir avec le brun, à avoir ce qu'il désirait pour mieux détruire tout après.
Pour me venger. Pour qu'il ressente ce qu'il me faisait ressentir à présent...

Toc. Toc. Toc.
Trois coups nets.
Mon coeur s'emballa.
Quatre secondes. Et le voilà devant moi. Dans mon champ de vision. Comme si il était venu me voir, pour moi. Comme avant. Je ne pus malheureusement pas revenir ce flot de souvenirs, ces lueurs puériles d'espoir, qui montait haut, très haut dans mon être. Avait-il changé d'avis ? S'était-il rendu compte que je lui manquais terriblement ? Voulait-il me récupérer ?
Non. Sinon, il ne fuirait pas mon regard. Ou bien... Culpabiliserait-il ?

Voir cet homme, parfois si fragile, et manipulable, si beau et peut-être trop innocent, si peu confiant et doué en relations humaines... Je me demandais comment pouvait-il incarner le charisme des Mac, de l'administrateur tout puissant.
Et l'entendre, dire ces quelques mots me rappela à l'ordre.

« Hmm... Très certainement. Mais il paraît que tu es un des deux administrateurs, alors je vais dire non. »

Si lui fuyait mon regard, moi je le fixais. Intensément. Comme si j'avais envie de le percer pour savoir ce qu'il pensait, savoir ce qu'il avait fait dernièrement, et ce à quoi il réfléchissait... Non... Il n'était quand même pas venu, juste à cause de son statut...
Il n'avait quand même pas... Tourner la page ?