Croquer la pomme à pleine dents... [PV Eden]

Et tout devenait alors plus clair. Plus léger. C'est vrai. Adieu ce costume trop serré, cette cravate qui me serrait la nuque, et ce col qui entourait ma délicate et délicieuse gorge. Je posais ce costume qui m'allait pourtant à ravir, que je portais à merveille, moi, le fameux Inspecteur des Forces de l'Ordre. Je fermais les yeux un instant, puis je me laissais me fondre contre les drapss de mon lit. Je tournais un instant le regard vers cette place vide dans mon lit.... J'avais fini par prendre l'habitude d'y voir un beau blond, lover contre cet oreiller, contre moi... J'avais pris l'habitude d'y voir ce fameux administrateur nu dans mes draps, et ce tissu blanc qui dissimulait sa peau si pâle... Un corps délicieux qui n'était plus à la portée de mes mains. Un homme merveilleux qui n'était plus mien. Cette idée m'agaçait toujours un peu. Enfin... Un peu... C'était une manière de parler. J'étais fou de rage lorsque je voyais cet autre chien de bas étage lui tourner autour... Lorsqu'ils se tournaient autour... Il avait été à moi.... Il est toujours à moi. Mais ça, je suis malheureusement le seul à le comprendre.

Je me relevais brusquement et j'arrachais presque cette chemise blanche de mon torse, et j'envoyais valser mon pantalon et mes chaussures. J'allais sortir ! Une fois de plus, j'allais oublier cette cruelle histoire des plus agaçantes dans un de ces lieux de bas étages, ignobles et indécents pour mon rang, mais tellement jouissif pour mon état. J'avais décidé de perdre le contrôle... C'était un choix, un choix tout à fait délibéré, et qui me convenait parfaitement. Alcool, avec une limite dans le "sans modération", et de la musique. Des personnes plus ou moins délicieuses, voir même totalement fades ( après tout, nous choisissons ce que nous devenons, à moins d'avoir des goûts totalement décalés et d'un rare mauvais goût, les hommes et femmes d'ici, ont plutôt des corps et des visages alléchants... Mais là encore, tout est relatif. ).

Jean noir, légèrement usé à divers endroits, voir carrément déchiré. Une, deux, trois, petites chaines. Chaussures fines et noires, bien cirées, qui n'avaient pas à poser le bout de ses semelles dans cet endroit, mais tant pis. Il faut bien savoir se sacrifier. Un tee-shirt sans manche blanc, moulant, laissant voir le haut de mon torse, avec par dessus une simple veste noire, sûrement de l'un de mes anciens costumes. Quelques chaines accrochées à celle-ci, mon éternel collier ( avec un pendentif serpent ), et je reposais lentement mes lunettes sur ma table de chevet. J'observais alors mon reflet... Et un sourire terriblement narquois se glissa sur mes lèvres en voyant mes iris devenir écarlates... Excellent !

(...)

Un plus un... Deux... Ah non. C'était le troisième verre. Ahah ! Troisième verre vidé face à moi, posé sur le comptoir en bois. Je me redressais un instant, laissant un clin d'oeil au joli barman, alors que je décidais enfin de m'éloigner de banc des consommateurs, pour m'approcher du banc des libidineux. Consommer puis utiliser, utiliser pour mieux recommencer. Un monde où les vices baignaient : nous voulions découvrir ce que ces humains savouraient, ce qui les détruisaient... Mais pourtant... Nous étions bien plus résistant qu'eux. Ou bien, le fait que nous ne soyons que virtuels nous en laissait l'impression.

Pourtant, mon regard fut capturé par une nouvelle personne, se détachant alors de ces basses grouillantes de fourmis en appel de fornication. Grande, fine, élégante, terriblement sensuelle. Ses mouvements étaient d'une grâce planante. Une aura sexuelle l'entourait, et je ne pus détacher mon regard de ces longs cheveux blonds. Cette personne était totalement à l'ouest, ailleurs et à la fois ici... Lorsque son regard croisa pourtant le mien, je me sentis comme soudainement incapable de bouger... Quelle était donc cette créature ? Je ne bougeais toujours pas lorsque la chaleur de son corps vint se joindre à la mienne. Ni même lorsque les ondulations de son bassin purent éveiller mon envie. Des papillons s'éveillaient, voletant brusquement et ce, dans tous les sens. C'était désordonné, chaotique.
Et puis je fus totalement happé par cet être enchanté : littéralement.

Je clignais des yeux. Deux fois.
Je fermais les yeux... Longtemps.
Et puis ce fut mes lèvres qui s'entrouvrirent doucement pour venir permettre à ma délicieuse et curieuse langue rencontrer sa sœur jumelle, tout aussi vilaine. Je ne savais pas ce que je faisais, ni ce qui me prenais. Pourtant, je posais ma main sur son torse, avant de la glisser dans son dos. Au creux de ses reins. Cet homme, cette femme au charme électrique, je l'oubliais quelques secondes, juste pour savourer ce goût qui allait rapidement me rendre fou...

Une jambe se glissa entre les siennes, et puis... Advienne que pourra.

Ce soir, je m'amusais.
Ce soir allait être grandiose !

La cannelle est tirée d'une écorce. Connue depuis des millénaires, elle fut utilisée par les égyptiens pour l'embaumement, puis au Moyen Âge pour la préparation de divers boissons, notamment pour l'hypocras, un vin aux épices. Actuellement, on l'utilise dans les préparations à base de pommes, de chocolat, mais aussi dans la cuisine indienne. L'industrie pharmaceutique utilise aussi cet ingrédient dans certains médicaments. Petite cannelle, marie toi à moi, soigne moi de tous mes maux... Au moins pour ce soir.

Camellia se demandait pourquoi cet homme était de cannelle... Peut-être était-ce sa chevelure couleur sombre qui lui donnait cet air d'écorce forte et vigoureuse... Ou alors, sa droiture d'arbre millénaire... Ou sa petite odeur aigre douce, piquante, et sucrée en même temps. S'il l’inhalait un peu trop son odeur... Peut-être suffoquerait-il ! Mourrait-il d'avoir respiré des fragments de cannelle ? C'était un risque qu'il était prêt à prendre, cela serait tellement drôle de mourir d'avoir trop respiré l'odeur d'un beau garçon...

Un bel homme très peu farouche d'ailleurs soit dit en passant.... Il se laissait attraper comme un vulgaire petit oiseau se jetant dans la gueule du loup. C'était amusant. D'être le sucre gluant piégeant le petit moucheron. Il sourit. Amusé. Sa soirée prenait enfin un tournant intéressant. Peut-être ne fondrait-il pas en larmes ce soir. Peut-être avait-il trouvé ce qui lui ferait remonter la pente. Ce soir, cet homme serait sa porte vers le paradis.

Owen embrassait langoureusement son partenaire de danse. Assez satisfait par les réponses corporelles que celui-ci fournissait. Ils s'étaient bien trouvés. Il se colla un peu plus à lui. Sentant leurs jambes s'emmêler dans une danse infernale, que beaucoup aurait qualifié d'outrageuse, mais vu qu'ils étaient dans le temple de l'homme en rut, ils n'auraient pas de remarque là-dessus.

La musique était devenue plus pop, plus acidulée. Elle avait un arrière goût de sucrerie, de sucette, et de rose bonbon. D'ailleurs, les lumières s'étaient accordé à cette ambiance. Mais cela n'empêchait pas les déhanchés, le frottement des torses. Au rythme des notes, les mains d'Idol avaient progressé sur le long de son corps pour aller se nouer dans son cou, effleurant ses cheveux. Ces filaments de cannelle.

Sa bouche quitta ses lèvres humides. Ses yeux avaient retrouvé un peu de présence, la drogue était sans doute moins présente à son esprit, le pic d'euphorie avait du passer. Quand on est un habitué, les trips sont de moins en moins longs, hélas. Mais il conservait un sourire plein de promesses joueuses. Il s'approcha de son oreille, déposant sur le chemin quelques baisers, un sur sa mâchoire, un au creux de son cou, un dernier juste en dessous de son oreille.

« Bravo... Aujourd'hui tu as la chance de m'avoir tout à toi... Je me fiche de qui tu es... Tu te fiches sûrement de qui je suis... Alors, amusons nous un peu, cher Monsieur Cannelle... »dit-il juste assez fort pour qu'il l'entende, sa voix était mélodieuse, rieuse, presque avec des accents candides.

Il eut un rire, puis, il se décolla légèrement de lui, saisissant sa main. Il voulait montrer le beau couple qu'ils formaient ! Eux pomme-cannelle ! Tellement mieux que poire-banane, ou menthe-poivron ! Ils étaient le plus bel assortiment en cette soirée ! Un point, c'est tout ! Il entraîna son complément gustatif jusqu'aux podiums de danse... L'un d'eux était vide. Il lâcha sa main pour grimper avec souplesse sur ce promontoire et tendit la main pour aider son partenaire à le suivre, à surplomber cette foule de leur suprématie !